17 vues • Il y a 5 ans
Cela fait maintenant quelques mois que je suis de retour en France. J’avais lu moults articles relatant la difficulté de revenir après un long voyage. Je savais. Pourtant j’ai vécu de plein fouet ce que certains appellent “le blues du voyageur”. A la différence que je ne me sentais déjà pas chez moi dans l’hexagone avant mon départ, et qu’en plus de vivre un manque et un décalage par rapport à mes proches, j’ai la confirmation certaine que ma place est ailleurs.
Je le ressentais avant et en ai eu la confirmation lorsque, comme pour faire un état des lieux, j’ai commencé à photographier la nature et les paysages. Les pays néolibéraux dépensent toute leur énergie à faire la guerre au vivant. De ce fait, après des décennies d’objetisation de la vie, il est devenu extrêmement difficile en France de trouver un paysage non affecté par l’activité humaine. Que ce soient des lignes à haute tension, des routes, des maisons, des tranchées, des villes, ou encore des monocultures, seuls les lieux les plus arides résistent face à notre avancée mortifère. A titre d’illustration il est bon de savoir que 9m2 de nature disparaissent sous le béton chaque seconde. Soit l’équivalent de la surface de 1 à 3 départements par décennie. Bien entendu cela va en s’accélérant.
Et ce fut un choc lorsqu’à mon retour, pour la première fois depuis 6 mois, j’apercevais le paysage français par le hublot de mon avion. Bien que les monocultures existaient également en Guadeloupe elles étaient bien moins invasives. C’est ainsi qu’après avoir évolué si longtemps au milieu d’une nature intacte, dense, et épanouie, observer toute cette étendue bétonnée, brûlée, et rasée m’a profondément bouleversé. Tout ce qui défilait sous mes yeux n’était que mort et désolation. Alors que les larmes me venaient, je me suis fait la promesse de continuer à résister et d’intensifier ma lutte contre ce système nauséabond.
Nous ne saccageons pas seulement notre environnement. Nous en faisons de même avec notre intérieur. Vous pensiez disposer librement de vos corps et de vos esprits ? Au risque de vous décevoir, non. Comment, alors que l’État impose le programme et la méthode d’éducation de nos jeunes aux écoles, peut-on encore croire développer notre propre pensée ? Comment, alors que 90% des médias appartiennent à une poignée de milliardaires (les 10% restants étant publics mais gérés par des lobbyistes), peut-on encore imaginer disposer d’un libre arbitre ? Bien sûr la réalité est terriblement plus sombre et tout est mis en œuvre, dès notre plus jeune âge et jusqu’à notre mort, pour nous priver de nos émotions et nous plonger dans une concurrence féroce. Le malheur des uns fait le bonheur des autres, parait-il. Et nous devrions nous contenter de ceci.
Et nos corps ? Quelques lignes suffiront à démontrer que nous n’en n’avons pas la pleine propriété, la plupart d’entre-nous s’en dépossédant la majeure partie de leur temps réveillé en échange de peu de sous. Bien souvent pour effectuer des tâches que l’esprit n’a pas envie de faire, soit dit en passant. Mais s’ils se détournent de la location de leurs corps à la société, comment peuvent-ils espérer survivre ? Alors si nous n’avons pas la liberté de faire ce que nous voulons, comme nous le voulons, quand nous le voulons, pouvons-nous toujours défendre l’idée que nous sommes libres de disposer de nos corps ?
Un exemple concret pour illustrer tous mes précédents propos est le suivant : Tout le monde est malheureux d’être responsable de la sixième extinction de masse des espèces. Pourtant personne ne pense avoir la liberté de changer de mode vie.
Traduisez ces deux phrases par : Le système néolibéral détruit le vivant. Le système néolibéral asservit les humains pour en faire ses outils de destruction.
Pourtant un autre monde est possible. L’humanité ne traverse pas sa première crise ni son premier changement de régime. La liberté suivant toujours son cours et étant aussi maitrisable que les éléments. C’est à dire pas du tout. Si Rome ne s’est pas faite en un jour, son déclin non plus. Pourtant lorsque les Wisigoths s’emparèrent de la ville, les peuples crièrent à la fin du monde. C’est ainsi que Jérôme de Palestine écrivit « *Avec une ville et une seule, est mort le monde entier* ». C’était en 410. Et en effet, après presque 1000 ans sous le régime de l’Empire Romain, il devait être bien difficile d’imaginer comment continuer d’exister. Pourtant nous nous en sommes sortis, et nous sommes là, à faire les timides face à un changement drastique (mais très excitant) de système après seulement un siècle d’égarement !
Bien que s’en soit une, je n’aime pas parler de révolution. C’est un mot que j’utilise très peu. Très certainement parce que la révolution française fut violente et menée par des privilégiés. Et sans surprise la société actuelle est basée sur ce modèle dans lequel les plus aisés conservent et assurent leurs acquis par la force. Non. Pour partir sur des bases saines, le changement doit être universel et s’effectuer de façon sereine. Il est temps pour l’humanité de s’appuyer sur ses savoirs, ses expériences, son histoire pour construire et reconstruire ce qu’elle a saccagé. Il est temps qu’elle fasse la paix avec la nature, donc avec elle-même.
Nous devons reconnaitre et accepter nos erreurs. Ne pas nous en vouloir. Car il est vrai que ce dernier siècle fut stimulant ! Nous avons fait plus de découvertes que jamais les autres civilisations réunies n’en ont faites. Nous avons créé la voiture, l’avion, la fusée, le satellite, avons inventé la télévision, internet, avons développé l’eau courante, l’électricité, les soins, avons pris conscience du droit des femmes et des LGBT… Si bien des combats restent à mener, il y a malgré tout vraiment de quoi s’enorgueillir ! Et si maintenant, nous mettions toute cette connaissance et tout ce savoir faire au service de notre environnement ? C’est sans doute le défit le plus exaltant de l’histoire de l’humanité, bien loin devant la conquête de l’espace !
Parce que s’atteler à le faire démontrera à quel point l’humain est un être ambitieux et sait rester solide face à la difficulté. Mais surtout parce qu’enfin nous aurons l’opportunité de mettre en application toutes nos valeurs positives comme l’amour, l’entraide, l’empathie, le respect ou encore le partage. Nous pourrons revaloriser la croissance intellectuelle, la connaissance, et la science. Et enfin nous aurons la chance de reconstruire, en nous basant sur toutes les richesses précédemment citées, un monde dans lequel nous serons en symbiose. Dans lequel nous remplacerons la destruction contre de l’harmonie, dans lequel l’objet sera moins intéressant que le vivant, dans lequel la domination fera place à la résilience. Alors nous lirons l’histoire d’aujourd’hui et comme nous en avons la sensation pour bien d’autres périodes, la considérerons comme extrêmement sombre, mais surtout très absurde. Et nous pourrons être fiers d’avoir fait preuve d’un fantastique courage collectif et de nous être opposés à l’horreur du néolibéralisme.
Oui, ma place est ailleurs. Dans cet autre monde que nous allons construire. Le pouvoir est entre nos mains.
Cela fait maintenant quelques mois que je suis de retour en France. J’avais lu moults articles relatant la difficulté de revenir après un long voyage. Je savais. Pourtant j’ai vécu de plein fouet ce que certains appellent “le blues du voyageur”. A la différence que je ne me sentais déjà pas chez moi dans l’hexagone avant mon départ, et qu’en plus de vivre un manque et un décalage par rapport à mes proches, j’ai la confirmation certaine que ma place est ailleurs.
Je le ressentais avant et en ai eu la confirmation lorsque, comme pour faire un état des lieux, j’ai commencé à photographier la nature et les paysages. Les pays néolibéraux dépensent toute leur énergie à faire la guerre au vivant. De ce fait, après des décennies d’objetisation de la vie, il est devenu extrêmement difficile en France de trouver un paysage non affecté par l’activité humaine. Que ce soient des lignes à haute tension, des routes, des maisons, des tranchées, des villes, ou encore des monocultures, seuls les lieux les plus arides résistent face à notre avancée mortifère. A titre d’illustration il est bon de savoir que 9m2 de nature disparaissent sous le béton chaque seconde. Soit l’équivalent de la surface de 1 à 3 départements par décennie. Bien entendu cela va en s’accélérant.
Et ce fut un choc lorsqu’à mon retour, pour la première fois depuis 6 mois, j’apercevais le paysage français par le hublot de mon avion. Bien que les monocultures existaient également en Guadeloupe elles étaient bien moins invasives. C’est ainsi qu’après avoir évolué si longtemps au milieu d’une nature intacte, dense, et épanouie, observer toute cette étendue bétonnée, brûlée, et rasée m’a profondément bouleversé. Tout ce qui défilait sous mes yeux n’était que mort et désolation. Alors que les larmes me venaient, je me suis fait la promesse de continuer à résister et d’intensifier ma lutte contre ce système nauséabond.
Nous ne saccageons pas seulement notre environnement. Nous en faisons de même avec notre intérieur. Vous pensiez disposer librement de vos corps et de vos esprits ? Au risque de vous décevoir, non. Comment, alors que l’État impose le programme et la méthode d’éducation de nos jeunes aux écoles, peut-on encore croire développer notre propre pensée ? Comment, alors que 90% des médias appartiennent à une poignée de milliardaires (les 10% restants étant publics mais gérés par des lobbyistes), peut-on encore imaginer disposer d’un libre arbitre ? Bien sûr la réalité est terriblement plus sombre et tout est mis en œuvre, dès notre plus jeune âge et jusqu’à notre mort, pour nous priver de nos émotions et nous plonger dans une concurrence féroce. Le malheur des uns fait le bonheur des autres, parait-il. Et nous devrions nous contenter de ceci.
Et nos corps ? Quelques lignes suffiront à démontrer que nous n’en n’avons pas la pleine propriété, la plupart d’entre-nous s’en dépossédant la majeure partie de leur temps réveillé en échange de peu de sous. Bien souvent pour effectuer des tâches que l’esprit n’a pas envie de faire, soit dit en passant. Mais s’ils se détournent de la location de leurs corps à la société, comment peuvent-ils espérer survivre ? Alors si nous n’avons pas la liberté de faire ce que nous voulons, comme nous le voulons, quand nous le voulons, pouvons-nous toujours défendre l’idée que nous sommes libres de disposer de nos corps ?
Un exemple concret pour illustrer tous mes précédents propos est le suivant : Tout le monde est malheureux d’être responsable de la sixième extinction de masse des espèces. Pourtant personne ne pense avoir la liberté de changer de mode vie.
Traduisez ces deux phrases par : Le système néolibéral détruit le vivant. Le système néolibéral asservit les humains pour en faire ses outils de destruction.
Pourtant un autre monde est possible. L’humanité ne traverse pas sa première crise ni son premier changement de régime. La liberté suivant toujours son cours et étant aussi maitrisable que les éléments. C’est à dire pas du tout. Si Rome ne s’est pas faite en un jour, son déclin non plus. Pourtant lorsque les Wisigoths s’emparèrent de la ville, les peuples crièrent à la fin du monde. C’est ainsi que Jérôme de Palestine écrivit « *Avec une ville et une seule, est mort le monde entier* ». C’était en 410. Et en effet, après presque 1000 ans sous le régime de l’Empire Romain, il devait être bien difficile d’imaginer comment continuer d’exister. Pourtant nous nous en sommes sortis, et nous sommes là, à faire les timides face à un changement drastique (mais très excitant) de système après seulement un siècle d’égarement !
Bien que s’en soit une, je n’aime pas parler de révolution. C’est un mot que j’utilise très peu. Très certainement parce que la révolution française fut violente et menée par des privilégiés. Et sans surprise la société actuelle est basée sur ce modèle dans lequel les plus aisés conservent et assurent leurs acquis par la force. Non. Pour partir sur des bases saines, le changement doit être universel et s’effectuer de façon sereine. Il est temps pour l’humanité de s’appuyer sur ses savoirs, ses expériences, son histoire pour construire et reconstruire ce qu’elle a saccagé. Il est temps qu’elle fasse la paix avec la nature, donc avec elle-même.
Nous devons reconnaitre et accepter nos erreurs. Ne pas nous en vouloir. Car il est vrai que ce dernier siècle fut stimulant ! Nous avons fait plus de découvertes que jamais les autres civilisations réunies n’en ont faites. Nous avons créé la voiture, l’avion, la fusée, le satellite, avons inventé la télévision, internet, avons développé l’eau courante, l’électricité, les soins, avons pris conscience du droit des femmes et des LGBT… Si bien des combats restent à mener, il y a malgré tout vraiment de quoi s’enorgueillir ! Et si maintenant, nous mettions toute cette connaissance et tout ce savoir faire au service de notre environnement ? C’est sans doute le défit le plus exaltant de l’histoire de l’humanité, bien loin devant la conquête de l’espace !
Parce que s’atteler à le faire démontrera à quel point l’humain est un être ambitieux et sait rester solide face à la difficulté. Mais surtout parce qu’enfin nous aurons l’opportunité de mettre en application toutes nos valeurs positives comme l’amour, l’entraide, l’empathie, le respect ou encore le partage. Nous pourrons revaloriser la croissance intellectuelle, la connaissance, et la science. Et enfin nous aurons la chance de reconstruire, en nous basant sur toutes les richesses précédemment citées, un monde dans lequel nous serons en symbiose. Dans lequel nous remplacerons la destruction contre de l’harmonie, dans lequel l’objet sera moins intéressant que le vivant, dans lequel la domination fera place à la résilience. Alors nous lirons l’histoire d’aujourd’hui et comme nous en avons la sensation pour bien d’autres périodes, la considérerons comme extrêmement sombre, mais surtout très absurde. Et nous pourrons être fiers d’avoir fait preuve d’un fantastique courage collectif et de nous être opposés à l’horreur du néolibéralisme.
Oui, ma place est ailleurs. Dans cet autre monde que nous allons construire. Le pouvoir est entre nos mains.
13 vues • Il y a 5 ans
C’était au début du mois de janvier 2020. Une scène de vie on ne peut plus banale. J’accompagne mon petit frère se faire soigner les dents, quand le dentiste engage la conversation sur les températures incroyablement douces pour cette période de l’année. Il a raison : 18 degrés la journée, à peine en dessous de 10 degrés la nuit. Il pointe le néolibéralisme du doigt. Très bien, nous allons pouvoir nous entendre ! Mais au fil de la discussion une phrase, aussi anodine puisse-t-elle sembler, lui échappe :
« Il va falloir s’y faire ! »
À son écoute je sens mon cœur qui s’emballe. L’émotion me submerger. Était-ce de la colère ? Était-ce de la peur ? Tout est allé trop vite pour que je m’en souvienne. Peut-être un peu des deux. Le fait est que sur le moment et avec le manque de recul, je n’ai rien trouvé de plus hasardeux que de lui répondre que ce n’était peut-être pas une bonne idée.
Quelques jours plus tard je regarde une émission politique. Le sujet de l’écologie, et plus particulièrement du dérèglement climatique, y est abordé. À nouveau c’est très rapide. Un intervenant lâche cette même phrase. Et encore je sens le monde s’écrouler sous mes pieds à son écoute : « Il va falloir s’y faire ! »
Mais que se passe-t-il ?
Nous arrivons enfin au 25 janvier pour qu’une 3ème expérience identique, lors d’un échange avec un libraire attristé de la fermeture de sa station de ski, me décide enfin de prendre le temps de décrypter cette sensation d’urgence qui s’empare de mon corps lorsqu’on me demande de m’habituer à la catastrophe climatique. C’est incontrôlable. Ça me prend de la tête aux pieds. Mes muscles se crispent, mon dos se redresse, mon rythme cardiaque s’accélère, mon cerveau perd toute sa capacité à aller chercher dans sa mémoire antérieure. Alors que mes interlocuteurs m’ordonnent de me soumettre à un futur déjà écrit, mon instinct de survie s’active avec violence et me suggère de fuir.
Parce que derrière ce « Il va falloir s’y faire ! » il ne s’agit pas simplement de se satisfaire d’événements climatiques plus violents ou de températures plus douces. Si seulement il ne s’agissait que de cela, il suffirait de déplacer quelques maisons par-ci par-là pour que tout aille mieux dans le meilleur des mondes. Non. Nous sommes dans une situation d’extrême urgence. Le vivant, dont l’humain ne peut se soustraire, est en péril. Et ce dans un avenir proche. Les scientifiques du GIEC prévoient [une multiplication des famines dans le monde d’ici 2050](https://www.franceinter.fr/environnement/le-giec-redoute-de-voir-la-planete-affamee-par-la-vitesse-du-rechauffement-climatique). Si cette annonce est très sombre pour l’avenir de l’humanité, il faut en regarder la source pour comprendre qu’elle vise beaucoup plus large : [la biodiversité des sols et de la nature est en train d’être radicalement exterminée](https://reporterre.net/Alerte-biodiversite-le-vivant-s-effondre) par le mode de vie capitaliste. La vie se raréfie à une vitesse vertigineuse et ceux qui vivent proche de la nature ne peuvent que le confirmer. [La 6ème extinction de masse des espèces est en cours](https://www.nationalgeographic.fr/environnement/la-sixieme-extinction-massive-deja-commence), et elle d’origine humaine.
Dois-je m’y habituer ? Dois-je accepter ce sort promis ? La réponse se résume en 3 lettres : non. Je refuse, mon corps refuse, mon esprit refuse. Parce que nous habitons la seule planète vivante que nous connaissons à l’heure actuelle. Parce que je refuse de me rendre complice, par mon asservissement au telos néolibéral, de la transformation de cet astre en un vulgaire cailloux.
Le vivant est en train d’être massacré par le suicide de l’être humain. Et comme d’autres personnes lors de périodes graves de l’histoire, je fais instinctivement partie du camps des optimistes. Face à l’horreur et à la barbarie, nous sommes des millions à ne pouvoir nous soumettre à travers le monde. [Le néolibéralisme est en train de sombrer](https://www.huffingtonpost.fr/entry/barometre-edelman-capitalisme_fr_5e26b728c5b673621f7b2311) face à la résistance et ça, c’est certain, il va falloir s’y faire.
C’était au début du mois de janvier 2020. Une scène de vie on ne peut plus banale. J’accompagne mon petit frère se faire soigner les dents, quand le dentiste engage la conversation sur les températures incroyablement douces pour cette période de l’année. Il a raison : 18 degrés la journée, à peine en dessous de 10 degrés la nuit. Il pointe le néolibéralisme du doigt. Très bien, nous allons pouvoir nous entendre ! Mais au fil de la discussion une phrase, aussi anodine puisse-t-elle sembler, lui échappe :
« Il va falloir s’y faire ! »
À son écoute je sens mon cœur qui s’emballe. L’émotion me submerger. Était-ce de la colère ? Était-ce de la peur ? Tout est allé trop vite pour que je m’en souvienne. Peut-être un peu des deux. Le fait est que sur le moment et avec le manque de recul, je n’ai rien trouvé de plus hasardeux que de lui répondre que ce n’était peut-être pas une bonne idée.
Quelques jours plus tard je regarde une émission politique. Le sujet de l’écologie, et plus particulièrement du dérèglement climatique, y est abordé. À nouveau c’est très rapide. Un intervenant lâche cette même phrase. Et encore je sens le monde s’écrouler sous mes pieds à son écoute : « Il va falloir s’y faire ! »
Mais que se passe-t-il ?
Nous arrivons enfin au 25 janvier pour qu’une 3ème expérience identique, lors d’un échange avec un libraire attristé de la fermeture de sa station de ski, me décide enfin de prendre le temps de décrypter cette sensation d’urgence qui s’empare de mon corps lorsqu’on me demande de m’habituer à la catastrophe climatique. C’est incontrôlable. Ça me prend de la tête aux pieds. Mes muscles se crispent, mon dos se redresse, mon rythme cardiaque s’accélère, mon cerveau perd toute sa capacité à aller chercher dans sa mémoire antérieure. Alors que mes interlocuteurs m’ordonnent de me soumettre à un futur déjà écrit, mon instinct de survie s’active avec violence et me suggère de fuir.
Parce que derrière ce « Il va falloir s’y faire ! » il ne s’agit pas simplement de se satisfaire d’événements climatiques plus violents ou de températures plus douces. Si seulement il ne s’agissait que de cela, il suffirait de déplacer quelques maisons par-ci par-là pour que tout aille mieux dans le meilleur des mondes. Non. Nous sommes dans une situation d’extrême urgence. Le vivant, dont l’humain ne peut se soustraire, est en péril. Et ce dans un avenir proche. Les scientifiques du GIEC prévoient [une multiplication des famines dans le monde d’ici 2050](https://www.franceinter.fr/environnement/le-giec-redoute-de-voir-la-planete-affamee-par-la-vitesse-du-rechauffement-climatique). Si cette annonce est très sombre pour l’avenir de l’humanité, il faut en regarder la source pour comprendre qu’elle vise beaucoup plus large : [la biodiversité des sols et de la nature est en train d’être radicalement exterminée](https://reporterre.net/Alerte-biodiversite-le-vivant-s-effondre) par le mode de vie capitaliste. La vie se raréfie à une vitesse vertigineuse et ceux qui vivent proche de la nature ne peuvent que le confirmer. [La 6ème extinction de masse des espèces est en cours](https://www.nationalgeographic.fr/environnement/la-sixieme-extinction-massive-deja-commence), et elle d’origine humaine.
Dois-je m’y habituer ? Dois-je accepter ce sort promis ? La réponse se résume en 3 lettres : non. Je refuse, mon corps refuse, mon esprit refuse. Parce que nous habitons la seule planète vivante que nous connaissons à l’heure actuelle. Parce que je refuse de me rendre complice, par mon asservissement au telos néolibéral, de la transformation de cet astre en un vulgaire cailloux.
Le vivant est en train d’être massacré par le suicide de l’être humain. Et comme d’autres personnes lors de périodes graves de l’histoire, je fais instinctivement partie du camps des optimistes. Face à l’horreur et à la barbarie, nous sommes des millions à ne pouvoir nous soumettre à travers le monde. [Le néolibéralisme est en train de sombrer](https://www.huffingtonpost.fr/entry/barometre-edelman-capitalisme_fr_5e26b728c5b673621f7b2311) face à la résistance et ça, c’est certain, il va falloir s’y faire.